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Oubliés les 11 millions de chevaux, ânes et mulets enrôlés en masse durant la guerre de 1914-1918 ?

A la recherche de la mémoire perdue…

Le film de Steven Spielberg «Cheval de guerre», sorti en France le 22 février 2012 (25 décembre 2011 aux USA), a permis de mettre – ou remettre – dans les mémoires le rôle du cheval pendant la guerre de 1914-1918.

Mais avant d’être un film à succès, Cheval de guerre

  • C’est d’abord un livre de Michael Morpurgo publié en Grande-Bretagne en 1982 (il a fallu attendre 2008 en France !)
  • Images du spectacle et du livre Cheval de guerre
  • C’est aussi un spectacle théâtral créé en Grande-Bretagne par Nick Stafford
  • Images du spectacle et du livre Cheval de guerre
Pour en savoir plus, visitez le site du spectacle, consultez le dossier pédagogique, et bien entendu admirez la vidéo de présentation !

Une scène marquante du film

Dans le film, la scène où pour libérer Joey des barbelés, une trêve tacite réunit un soldat allemand et un soldat anglais en plein no man’s land est particulièrement émouvante.

Ces trêves tacites ont longtemps été un sujet tabou.

La presse de l’époque en parlait ainsi :

« Six allemands prétendent faire kamerad, ce n’est qu’une ruse pour se renseigner » (Le Miroir du 16 mai 1915)
L’Illustration du 15 janvier 1916 publie deux photos témoignant d’une trêve tacite. L’auteur des photos, le docteur Paul Minvielle, sera condamné à 60 jours d’arrêts de rigueur…

Rien d’étonnant : le chauvinisme était dans l’encrier et la censure veillait !

Après guerre des romans en ont fait état, puis l’oubli jusqu’à la fin du XXème siècle où la question des « fusillés pour l’exemple », de la trêve de Noël 1914 sont devenus des sujets d’actualité à travers livres, films, études.

Force est de constater que les chevaux n’ont pas beaucoup de place dans ces retours de mémoire ! Cheval de guerre est parmi les quelques exceptions.

Citons :


Pendant la guerre les témoignages étaient nombreux, par exemple ces photos parues dans la presse de l’époque

Des croquis réalisés par des soldats :

Dans des textes parus pendant la guerre, le sort des chevaux est décrit.

Dans Ma pièce, souvenir d’un canonnier (1914) Paul Lintier écrit

Les chevaux sont encore plus las que les hommes. Beaucoup ont été légèrement blessés dans les combats de lundi et de mardi. Leurs plaies suppurent. Personne ne les soigne, et ce n'est pas le pire, car quelques-uns ont à subir les remèdes stupides de leurs conducteurs. Un homme va uriner sur le paturon de son cheval, entamé par un éclat d'obus. Presque tous les chevaux boitent, endommagés par des prises de longe ou par des coups de pied reçus durant les nuits où, à bout de forces, les garde-écurie s'endorment.
Rarement dételés, jamais déharnachés, les traits, les culerons, les croupières surtout leur ont fait de grandes plaies couvertes, tout le jour, de mouches et de taons. Cavalerie misérable, affaiblie encore, comme les hommes, par une incessante diarrhée.

Le livre Ma pièce a été publié en feuilleton dans l’Humanité en 1916 et Paul Lintier a été tué le 15 mars 1916

Dans l’immédiat après-guerre les romanciers continuent d’évoquer le sort des chevaux.

Dans A l’ouest rien de nouveau, Erich Maria Remarque écrit en 1929 :

Je n'ai encore jamais entendu crier des chevaux et je puis à peine le croire. C'est toute la détresse du monde. C'est la créature martyrisée, c'est une douleur sauvage et terrible qui gémit ainsi. Nous sommes devenus blêmes. Detering se dresse : « Nom de Dieu ! Achevez-les donc ! »

Il est cultivateur et il connaît les chevaux. Cela le touche de près

L’importance des chevaux dans le déroulement de la guerre a fait l’objet de rapports, par exemple celui de M. Decker-David adopté par le Sénat le 26 juillet 1917. On y apprend, par exemple, que les pertes pour juillet 1917 sont estimées de 8 à 10 000 chevaux.


Et aujourd’hui ?

Des statues honorant les chevaux tués existent :

Et en France ?

Il existe un monument à la mémoire des pigeons-voyageurs, érigé en 1936, à Lille. Rien d’étonnant, la tradition colombophile est très forte dans la région.

Et les chevaux ?

Une recherche vous indiquera sans doute le monument de Chipilly :

http://lfpcheval.fr/le-monument-de-chipilly/

Si vous recherchez les traces d’un hommage officiel, vous aurez sans doute l’idée de vous rendre à Saumur « cité du cheval »

En face de l’Ecole de cavalerie se trouve un monument au fronton duquel on peut lire « Cavaliers, à nos morts » L’homme et le cheval sont associés dans deux centaures allégoriques. A l’arrière du monument sont sculptés chevaux, fers, selles, etc.





Le monument aux morts de la ville associe aussi le cavalier et le cheval.


Mais un hommage spécifique aux chevaux ?

Vous aurez peut-être entendu parler d’une plaque commémorative dans le château ? Allez-y et interrogez… L’auteur de ces lignes a eu des réponses diverses et variées…

« Pas entendu parlé » « Pas ici, mais sur un rond-point », etc.

Et pourtant cette plaque existe, elle est tout à fait répertoriée dans la base Joconde.

Un seul résultat :

"La plaque est dans une salle inaccessible au public !"

Reste à chercher la place consacrée aux chevaux sur le « Portail officiel du centenaire de la Première Guerre mondiale ».

En saisissant dans un moteur de recherche

cheval OR chevaux site:http://centenaire.org/fr

vous pourrez constater le nombre dérisoire de résultats…

Ce sont les travaux d’une universitaire américaine, Gene Tempest, qui sont un bel hommage aux « chevaux morts pour la France ». Nous avons déjà mentionné son article paru dans la revue Histoire de décembre 2012 et surtout elle a publié :

The Long Face of War: Horses and the Nature of Warfare in the French and British Armies on the Western Front (38 $).

D’ici la commémoration du centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918 des initiatives seront peut-être prises ? A suivre…


Pour aller plus loin :




Auteur : Gérard